« I – ÉPILOGUE
Et j’ai appris comment s’effondrent les visages,
Sous les paupières, comment émerge l’angoisse,
Et la douleur se grave sur les tablettes des joues,
Semblables aux pages rugueuses des signes cunéiformes ;
Comment les boucles noires ou les boucles cendrées
Deviennent, en un clin d’œil, argentées
Comment le rire se fane sur des lèvres soumises,
Et, dans un petit rire sec, comment tremble la frayeur.
Et je prie Dieu, mais ce n’est pas pour moi seulement,
Mais pour tous ceux qui partageaient mon sort,
Dans le froid féroce, dans le juillet torride,
Devant le mur rouge devenu aveugle.
Mars 1940. »
Anna Akhmatova, Requiem (traduit du russe par Paul Valet) – Éditions de Minuit 1966